origines de la classe franco-américaine

Publié le par andre-girod.over-blog.com

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Chapitre 4  

Champagne et jus de fruit 

 

 

 

À la fin de chaque séjour, les mairies donnaient des 

réceptions en l’honneur des Américains et j’ai une quantité 

énorme de ces articles qui représentent la remise du 

drapeau de l’État américain et de la ville au Maire. 

 

Pourtant, de plus en plus, un message m’était susurré à 

l’oreille : « Pourquoi pas nous ? » 

Pour le traduire en langage clair : pourquoi ne pas faire 

partir les petits Français aux États-Unis puisque les 

Américains venaient chez nous ! Ce voyage semblait 

impossible surtout dans le cadre des classes de neige. Un 

séjour dans le Colorado aurait coûté une fortune et aucun 

établissement n’était conçu pour cela, contrairement à la 

France. Je n’y songeais même pas : je pensais que mes 

idées étaient des plus folles mais aller jusqu’à embarquer 

une classe de gamins parisiens pour la Sierra Nevada, 

USA, était non seulement inconcevable mais irréalisable. 

 

Un petit « quelque chose », cependant, me triturait les 

méninges. Inconcevable, irréalisable, peut-être mais pas 

impossible. En réalité, à l’audacieux, au téméraire, rien 

n’est impossible et je croyais me placer dans cette 

catégorie d’individus. À y réfléchir, à tourner le problème 

sous tous les angles, il y avait sans doute une solution. 

Laquelle ? D’abord prenons cette initiative à l’envers : je 

fais partir une classe. Quel est le coût possible ? Où 

l’emmener ? Que faire des gosses ? Il faut que 

l’expérience soit pédagogique et bien encadrée, d’où la 

disponibilité d’une salle de classe la journée et un 

 

hébergement la nuit, tout cela dans une enveloppe 

financière bien déterminée. Au cours des réunions qui se 

tenaient après le voyage et où les familles américaines 

partageaient leurs impressions, plusieurs parents me 

demandèrent ce qu’ils devaient faire pour accueillir à leur 

tour, le petit correspondant de leur fils ou fille. 

Évidemment, pas question pour une famille française 

même aisée de lâcher son enfant dans la nature à prendre 

l’avion de Paris pour Chicago. Le voyage, l’été, coûtait 

cher et n’apportait aucune garantie quant à l’intégration ou 

à la réception. Mais l’idée germait que les Américains 

étaient prêts à accueillir un jeune Français. 

 

Depuis 1975, les CM 2 (fifth grade) américains 

venaient en France et il existait certainement une solution 

à l’échange complet. Alors je fis de savants calculs : coût 

du transport par enfant, séjour dans les familles, mise à 

disposition d’une salle de classe dans une école du 

système scolaire. 

 

Au cours d’une rencontre avec mon ami Norman 

Lipsky, président du conseil d’administration des écoles 

de Cedar Rapids, (voir « classe de neige franco- 

américaine »), je l’entretins d’une possibilité de faire 

venir une classe française pendant quatre semaines. Il me 

regarda longuement, moins éberlué que lors de ma 

première proposition, sachant que l’individu en face de lui, 

sortait d’étranges idées de sa manche. Plus rien ne 

l’étonnait de ma part. Alors souriant et surtout confiant, il 

me répondit : « Pourquoi pas, puisque nous envoyons les 

nôtres là-bas ! » 

 

Aussitôt dit aussitôt fait : convocation des parents du 

niveau 4, – CM1 en France – explication du projet, 

demande d’intérêt des parents. Le résultat dépassa toute 

attente : tous les parents voulaient recevoir, même ceux 

qui n’auraient jamais envoyé le leur. On recensa à cette 

 

seule réunion plus de cent familles prêtes à jouer le jeu.

 

Suffisamment pour une classe de trente. Voire deux 

classes. Je soulignai auprès des autorités, l’obligation 

d’être très attentif dans le choix des familles. Pas 

forcément les plus riches où l’enfant français resterait 

entre les mains d’une nounou, mais des familles unies – ce 

qui était souvent encore le cas en 1976 en Amérique – qui 

s’occuperaient bien de leur nouvel enfant. Le petit 

Français reçu ne devait jamais en aucun cas, être vu 

comme un invité mais un enfant qui devait obéir de la 

même façon que le leur. Pas de privilège, intégration totale 

dans la famille, pas un hôte de marque. À la première 

réunion des parents volontaires, j’insistai et répétai à de 

nombreuses reprises cette condition. 

 

Fort de cette mise en place et après une visite aux 

bureaux Air France pour voir mon sympathique chef 

d’escale qui m’assura les mêmes tarifs que pour les petits 

Américains à condition que les départs évitent les 

vendredis très chargés, je repartis vers la France. La 

question devint cruciale : quelle ville oserait tenter une 

telle aventure ? Quel maire aurait le courage d’envoyer 

des gamins de dix ans aussi loin ? Quelle serait la réaction 

des habitants de la ville apprenant que des gamins se 

payaient, au frais de la princesse, un voyage fabuleux vers 

les Amériques alors que beaucoup souffraient de 

logements exigus, de rues mal entretenues, de services 

sociaux qui laissaient à désirer ? Quel inspecteur primaire 

ou même d’Académie oserait accorder cette autorisation 

de laisser partir une classe en Amérique ? 

 

Versailles ? Saint-Germain-en-Laye ? Saint-Cloud ? 

Sèvres ? Neuilly-sur-Seine ? Péricard ? Perretti ? 

Fourcade ? Sarkozy ? Lenormand du parti communiste qui 

enverrait ses gosses dans le pire de ses ennemis : le pays 

capitaliste proprement dit ? Recevoir, ce n’était pas partir, 

car c’étaient les petits Américains qui subissaient 

 

suite origine de la classe franco-américaine

 

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V
Bonsoir, je tombe par hasard sur votre blog à la suite de mes recherches concernant l'échange auquel j'ai participé en 1983 entre l'école Henri Dunant à Saint Germain en Laye et la classe James<br /> Hart School à Homewood dans l'Illinois.<br /> J'ai passé trois semaines inoubliables dans ma famille américaine, que j'ai ensuite perdu de vue pendant 16 ans.<br /> En 1996 j'ai fait tout ce que j'ai pu, épluché les annuaires téléphoniques en lignes internationaux car facebook n'existait pas encore, pour trouver un numéro de téléphone qui me permettrait de<br /> retrouver ma correspondante qui venait d'une autre école, Saint Joseph's School, une école catholique, qui fit que je pu aller chez ma correspondante mais elle ne vint pas me trouver en France car<br /> cette école le lui interdit. Je me retrouvait à être la seule petite fille de la classe à ne pas recevoir ma correspondante en retour. Mais rien n'y fit, les liens que j'avais tissé avec sa maman,<br /> une femme merveilleuse et hélas déjà très malade, et avec tout le reste de sa famille était ancré pour toujours dans ma mémoire et dans mon coeur. Au bout de seize ans de recherche j'ai retrouvé ma<br /> correspondante en plein cursus d'études en Hollande. Nous nous sommes ainsi retrouvés. Je découvrais avec tristesse que sa maman était décédée, mais qu'elle avait gardé jusqu'au bout une tendresse<br /> forte pour sa petite fille adoptive française, tout comme elle était pour moi ma maman américaine.<br /> En 2001 je suis retourné au grand rassemblement annuel de leur famille et j'ai retrouvé tout le monde, une très nombreuse famille. J'ai retrouvé le père de ma correspondante, un homme très pudique<br /> et formidable aussi, et c'est avec une grande émotion que sans un mot nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre.<br /> Quand j'étais à Homewood, ma correspondante et moi-même avons passé une soirée chez un petit garçon américain qui participait à l'échange, et que j'aimais beaucoup même si la barrière de la langue<br /> à fait que nous n'avons jamais tissé à l'époque aucun lien d'amitié. Je l'ai retrouvé plus de 20 ans après et nous sommes désormais les meilleurs amis du monde.<br /> Merci pour ce programme d'échange, grâce à cela je suis devenue une enfant assez autonome et aimant beaucoup les voyages.J'ai par la suite dans le reste de mon enfance et ma jeunesse énormément<br /> voyagé sans mes parents.<br /> Cette expérience à changé ma vie et l'a marqué d'un sceau indélébile pour toujours.<br /> J'échange encore avec plusieurs membres de ma famille américaine, dont ma correspondante. Nous avons un lien spécial, sans doutes accentué par le décès de la maman qui est là comme un genre d'ange<br /> bienveillant nous unissant tous . Je suis pour la plupart des membres de cette famille leur soeur, ou leur cousine d'adoption.<br /> 30 ans ont passé et rien des liens affectifs ne c'est altéré.<br /> <br /> Je vous souhaite une excellente soirée.<br /> Cordialement votre.<br /> <br /> Vannina Schirinsky-Schikhmatoff
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