Origines de la classe franco-américaine 2

Publié le par andre-girod.over-blog.com

l’influence de notre culture. Mais imprégner les enfants de 

Sèvres de cette mentalité : toujours plus grand, toujours 

plus fort, toujours plus dominateur ne se concevait pas. 

 

Longtemps, je temporisai et reculai pour faire cette 

proposition à quiconque. Mais l’occasion me fut tendue 

sur un plateau. Au cours de la réception à la Mairie de 

Sèvres pour les Américains qui avaient séjourné à 

Villeneuve-la-Salle avec une classe de l’école de la Croix 

Bosset, en février 1976, le Maire, M. Georges Lenormand, 

s’approcha de moi et me dit en plaisantant : « Et les 

nôtres, quand partent-ils en Amérique ? » Je le regardai 

ahuri : un membre du parti communiste français me 

demandait s’il pouvait envoyer ses gamins aux États-Unis. 

Du tac au tac, je lui répondis : – C’est du domaine du 

possible ! 

— Mais le prix sera exorbitant, avança-t-il avec une 

grimace. 

— Combien coûte votre classe de neige ? 

— Je ne sais pas trop, c’est mon chargé financier qui 

s’en occupe. 

— Demandons-lui maintenant, si vous voulez. 

 

Le maire se retourna et alla chercher la responsable de 

l’éducation, Me Delapraz, employée chez Renault et le 

financier, M. Marel. 

Le chargé des finances réfléchit quelques instants et dit : 

— Le coût par enfant à la commune est d’environ 

1 750,00 F, ce qui inclut le transport, l’hébergement, les 

cours de ski et quelques visites et les frais des adultes. 

Mais les familles règlent une quote-part calculée selon le 

quotient familial, certaines familles ne payant rien. 

 

Ce fut à mon tour de réfléchir : des chiffres s’alignèrent 

dans ma tête mais j’avais déjà, à plusieurs reprises, fait des 

calculs savants : coût du transport aérien, car de liaison 

aéroport-école américaine, frais des adultes. Le tarif aérien

 

serait légèrement supérieur à celui des classes de neige 

puisque le séjour se ferait en mai, tarif mi-saison pour des 

moins de 12 ans. Or j’avais réglé le billet des petits 

Américains 180 dollars pièce, ce qui faisait environ 900 F 

au taux du moment : 1 dollar = 5 F. Ajouter 60 F par 

enseignant puis environ 40 F pour le transport terrestre, 

50 F pour l’assurance et 100 F pour frais de bureau – frais 

de déplacement, envoi courrier, téléphone et autres – 

j’arrivais à la somme totale de 1 150,00 F Une louche de 

plus pour faux frais, dépenses inattendues, augmentation 

des prix, marge de manœuvre, je pouvais arriver à faire 

partir une classe pour un coût total par enfant de 

1 350,00 F, soit environ 400 F de marge confortable que 

l’on pourrait qualifier de bénéfice. 

Les 1 350,00 F assureraient le bon déroulement du 

nouveau programme surtout si l’on instaurait un deuxième 

volet, le retour des Américains qui avaient reçu, par une 

réciprocité. 

 

Alors sans plus aucune hésitation, je me tournai vers le 

Maire, M. Lenormand, et lui dis d’une voix ferme : 

— D’accord pour les emmener en Amérique au lieu de 

les envoyer à la neige. 

 

Mes trois interlocuteurs me regardèrent longuement, ne 

sachant si je plaisantais ou faisais une proposition 

sérieuse. 

— Mais, ajoutai-je, car l’obstacle à franchir était 

maintenant d’ordre administratif, demandons l’avis de 

l’Inspecteur. 

 

Comme M. Amélineau, inspecteur départemental et 

directeur de l’École Normale d’Antony était présent à la 

cérémonie des adieux, il fut facile de le cerner entre nous 

dans un coin. C’était un homme posé, plein de bon sens et 

qui aimait l’innovation dans l’enseignement. Il avait 

embrassé le concept des classes de neige franco-

américaines avec enthousiasme et avait été l’un des 

moteurs du succès dans les écoles de Sèvres. 

Attentivement, il écouta l’énoncé de la proposition, 

posa quelques questions sur les détails de façon à s’assurer 

qu’il y aurait les garanties absolues pour un séjour sans 

problème : qui choisirait les familles car il y avait une 

différence entre recevoir un week-end et trois semaines ? 

Je répondis : le système scolaire américain et ses services 

sociaux. Il parut satisfait de la solution. Quelle compagnie 

aérienne serait choisie ? Il pensait aux premiers charters et 

il n’en voulait pas. – Air France, dis-je comme pour les 

enfants américains. La compagnie nationale lui convenait. 

Quelles dates ? – A débattre le plus tôt possible, au plus 

tard dans les quinze jours, dès qu’il aurait eu un entretien 

avec l’inspection d’Académie et éventuellement le 

Ministère de l’Éducation Nationale, section internationale. 

Il certifia pouvoir nous apporter une réponse dans ces 

délais. 

 

Notre groupe se sépara sur des poignées de mains, nous 

promettant de nous revoir dès que possible et surtout de ne 

pas ébruiter l’affaire au cas où elle n’aboutirait pas. 

 

Fin mars, les mêmes se retrouvèrent dans le bureau du 

Maire avec des réponses qui nous réjouirent. L’inspecteur 

avait d’excellentes nouvelles : l’Inspecteur d’Académie 

donnait son accord pour une telle expérience surtout qu’il 

avait eu vent et rapports des bienfaits des classes de neige 

franco-américaines. Quant à l’Éducation Nationale, elle 

voulait avoir toutes les données du programme avant de 

l’approuver : la clause essentielle était qu’aucun enfant ne 

serait exclu de la classe sélectionnée pour le projet. 


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